Introduction au tantra
Dans ma pratique de thérapeute à Bruxelles (Ixelles), j’emploie divers outils issus du tantra, il me semblait souhaitable de donner quelques explications sur ce que recouvre cette réalité méconnue ou mal connue.
Même s’il est loin d’épuiser le sujet, ce texte brosse un aperçu des multiples aspects du tantra. Il vous apportera également un éclairage sur certains des principes qui sous-tendent ma pratique.
Le tantra des origines à aujourd’hui
Le tantra, ou tantrisme, est né il y a environ 3.000 ans dans la vallée de l’Indus. C’est une voie de réalisation de soi, un chemin de conscience et d’évolution relativement cousin du bouddhisme, si ce n’est qu’il n’est pas constitué en une institution hiérarchique et organisée.
Tel qu’il s’est pratiqué et est encore pratiqué en Inde, le tantra est très éloigné de notre réalité occidentale et de notre sensibilité et n’est pas réellement transposable en tant que tel. En revanche, il existe un courant né dans les années 60 et 70, appelé néo tantra, qui a adapté et actualisé la vision tantrique de façon à ce qu’elle puisse être appréhendée par un occidental d’aujourd’hui.
Le néo tantra a pour but d’être applicable dans la vie quotidienne et moderne, au coeur d’une ville comme Bruxelles. Il considère que si une voie nécessite de se retirer hors du monde (ermitage, monastère…), il ne s’agit que d’une abstraction intellectuelle sans valeur, incapable de se frotter au réel.
Connexion à l’univers
Selon le tantra, tout est sacré, rien n’est profane. Il n’y a aucune dualité, de bon ou de mauvais. Le divin – ou les énergies de l’univers, peu importe comment on le nomme – est présent dans ce monde en toutes choses et, surtout, en nous-mêmes.
Le but ultime du tantra est de prendre conscience de cette non-dualité, de sentir que nous ne faisons qu’un avec l’univers tout entier, qu’il n’y a plus de barrière entre nous et l’existence, et que nous sommes connectés avec toutes choses et tous êtres. Etre en harmonie avec soi équivaut alors à être en harmonie avec l’univers entier.
Dès lors que tout est relié, il faut préalablement arriver à l’unité en nous-mêmes pour parvenir à ressentir cette « unité cosmique ».
Dissolution de l’ego
Alors que quasiment toutes les religions et courants philosophiques reprennent l’idée platonicienne de la dualité corps-âme et du corps vu comme « tombeau de l’âme », le tantra a cette spécificité unique de considérer le corps comme un temple, comme étant intrinsèquement spirituel.
Cependant, le corps étant le plus souvent le réservoir de l’inconscient et du refoulé, il faut préalablement le réhabiliter, en dissolvant l’ego.
L’ego est l’ensemble des constructions mentales et des crispations émotionnelles refoulées qui ont façonné notre personnalité au gré de l’accumulation de nos expériences, de notre éducation, et qui constitue notre « masque social ».
Une façon de ne plus s’identifier à son ego est de prendre conscience de la distinction entre ce « masque social » et notre réelle identité intérieure.
Dissoudre l’ego ne signifie pas le combattre et l’éradiquer mais le ramener à sa juste proportion, en unifiant toutes nos contradictions, à savoir nos pensées (mental), nos émotions/sentiments (coeur), nos sensations et nos instincts (sexe).
Il s’agit de relier toutes nos énergies, de recréer un véritable axe sexe-coeur-esprit. En tantra, cet axe est celui formé par les sept chakras principaux. Il s’agit de points de jonction de canaux d’énergie qui doivent être correctement activés afin de permettre à nos énergies de circuler librement. C’est la liaison, l’alignement de toutes ces énergies – en apparence souvent contradictoires – qui apporte l’unité et l’état de paix.
La voie du milieu
Nos énergies peuvent circuler librement à condition qu’aucune d’elles ne soit niée, refoulée ou considérée comme négative ou inférieure. A cet égard, le tantra englobe toute la vie et inclut toutes ses contradictions : rien n’est condamnable, tout est bon, tout est sacré. L’inférieur n’est pas moins valable que le supérieur, il est la fondation sans laquelle le supérieur ne pourrait exister. Ainsi, c’est l’obscurité qui donne son sens à la lumière et lui permet d’exister, et réciproquement. Ils sont les deux faces d’une même pièce.
Dans le tantra, il n’y a rien à ajouter ou à retrancher : tout l’art est dans la recherche du juste milieu. En se tenant – en conscience – exactement au milieu, nous englobons les deux extrêmes et le milieu, de façon à les transcender et à se situer au-delà des trois. A ce stade de non-dualité, tous les opposés deviennent complémentaires et les conflits se dissolvent dans l’unité.
Vivre l’instant présent
La reconnaissance de nos énergies vitales passe par l’écoute de notre corps et la conscience de ce qui s’y déroule. Or, dans notre société, le mental a largement pris le pas sur les autres pôles (émotions, sentiments, instincts…), dont nous sommes nettement moins à l’écoute.
Notre mental est constamment occupé à ressasser le passé ou à se projeter dans le futur, plutôt que de vivre le présent.
Or, la connaissance et la compréhension ne sont possibles qu’en étant totalement présent, en vivant pleinement l’instant, l’expérience. Il n’y a de véritable intelligence, il ne peut y avoir pleine compréhension qu’à partir du moment où il y a une parfaite harmonie entre les niveaux intellectuels et émotionnels.
Le tantra, qui est tout sauf cérébral, propose dès lors de nombreux exercices visant à stopper le fonctionnement ininterrompu de notre mental, vu comme un outil dont nous avons perdu le contrôle et qui tourne à vide.
Si le savoir a une utilité technique indéniable, son accumulation a pour conséquence de grossir l’ego et de nous empêcher de comprendre les expériences, car nous ne les voyons qu’à travers l’écran de notre ego, le filtre de nos souvenirs passés. Afin d’arriver à la connaissance, à la conscience, il est souhaitable d’aborder toute chose avec un esprit neuf, frais et innocent. Il est dès lors important de se libérer du passé d’instant en instant, de mourir à chaque expérience.
Bref, de vivre dans l’instant présent et d’aborder toute chose avec une totale fraicheur.
La vie n’est pas un problème à élucider, à aborder intellectuellement, mais un mystère à ressentir intuitivement, à vivre et à célébrer. Plutôt que la compréhension intellectuelle, faussée par l’ego, le tantra insiste donc sur l’expérience individuelle et le ressenti.
La connaissance de soi
Le seul chemin pour dissoudre l’ego est la connaissance, la conscience de soi. C’est en soi-même que se trouvent les réponses, non en faisant appel à « l’extérieur » par le biais d’un dieu, d’un gourou, d’un système politique ou autres. En cela, le tantra est une voie d’une grande liberté, puisqu’il ne décrète pas ce qui est bien ou mal, ne s’occupe pas de morale, d’éthique ou de religion.
Il appartient dès lors à chacun de découvrir en lui la vérité et d’agir en conformité avec elle, de façon à mener une vie vraie et de se réaliser de la manière la plus complète et la plus authentique possible.
Cela est subtil car la vérité de chacun est souvent comprise à travers le filtre de son ego, ce qui peut l’entraîner dans de fausses directions. Plutôt que de vérité relative et individuelle, il faudrait parler d’une vérité universelle, même si pour y parvenir chacun empruntera le chemin qui sonnera avec le plus de justesse pour lui. Une fois que l’on a trouvé cette vérité sacrée, on ne peut que vivre en conformité avec elle, c’est-à-dire en Amour avec l’univers et avec la vie.
L’art de la présence à soi
Le chemin de la connaissance de soi vient en se laissant traverser par les émotions et les sensations : s’autoriser à les vivre pleinement, puis s’observer soi-même avec le recul de l’observateur pour l’objet de son observation.
C’est de cette expérience que naît la conscience de ce qui nous traverse (émotions, sentiments, pensées, pulsions…) et de qui nous sommes.
La méditation peut être un outil précieux afin d’être en lien plus direct avec son corps et plus à l’écoute de ses émotions, de son intuitivité, de sa « petite voix intérieure ».
Cela nécessite d’apprendre à faire toutes choses en conscience, à ne plus rien faire machinalement et à être totalement présent à ce que l’on fait, même durant les petites activités du quotidien comme manger, marcher. Les seuls vrais rituels dans le néo tantra consistent à honorer, à célébrer, à sacraliser la vie dans chacun de ses moments, même les plus anodins, de façon à leur donner beauté et intensité, à ne pas faire les choses mécaniquement.
Dès qu’une personne se connaît et agit en conscience, ses actes sonneront juste par rapport à elle-même et à l’univers.
Ainsi, plus une personne sera bien dans sa relation à elle-même, plus ses relations aux autres seront riches et épanouissantes.
Sexualité sacrée
Le bouddhisme invite à se détacher du désir, dès lors que la dépendance qu’il engendre serait la cause de nos souffrances. Bouddha prône également une certaine méfiance à l’égard du corps, puisque c’est du corps que sont issus la plupart de nos désirs (sexe, gourmandise, possession…).
A l’inverse, le tantra considère que le corps est spirituel et qu’il en va de même de l’énergie la plus vitale qui circule en nous, l’énergie sexuelle. La sexualité n’est donc pas le pôle opposé de la spiritualité mais est sacrée en elle-même, puisque faisant partie de nous.
Si le bouddhisme est plutôt une voie de renoncement, le tantrisme, lui, ne rejette pas le monde mais l’accepte pleinement et le divinise, tout en invitant l’homme à s’y « réaliser ».
Le tantra invite en effet à se frotter à ses désirs pour mieux les apprivoiser. Selon lui, c’est cette expérimentation – en conscience et le cas échéant sous la supervision d’une personne plus avancée – qui amène à la connaissance de soi et à celle des limites du plaisir.
C’est en prenant conscience des mécanismes du désir qu’il est possible de s’affranchir de sa servitude. Il ne s’agit pas d’un contrôle ou d’une maitrise du désir mais, au contraire, d’accepter de se laisser traverser par lui, d’oser se laisser toucher par les émotions qu’il génère, et d’observer ce qui se passe en soi.
Appliqué aux relations sexuelles, le tantra privilégie la qualité de la connexion entre partenaires, que chacun reconnaisse en l’autre ce qu’il a de plus beau, de divin, afin de transcender l’acte purement charnel pour en faire une expérience spirituelle.
Cette spécificité a souvent desservi le tantra, réduit à sa dimension sexuelle. Cela n’est pourtant qu’un tout petit aspect du tantra qui est avant tout une voie spirituelle de réalisation de soi, touchant tous les aspects de la vie.
La voie de l’acceptation
L’homme fait partie intégrante du monde. Il n’est donc besoin d’aucune lutte entre lui et la réalité, puisqu’il en fait partie. S’accepter soi-même est la seule façon de ne créer aucune distance entre soi et le réel. L’acceptation de soi passe aussi par l’acceptation de ses émotions et de ses désirs. Au lieu de lutter contre ses énergies, il faut y pénétrer en pleine conscience, les vivre et les transcender (à ne pas confondre avec les refouler), ce qui permet de s’en libérer.
Être dans la non-acceptation de ce qui est inéluctable ne peut qu’être source de souffrances inutiles. La paix intérieure ne peut être atteinte qu’avec l’apprentissage du lâcher-prise, l’acceptation des choses de la vie sur lesquelles nous n’avons de toute façon pas de prise. Etre fluide, s’inclure dans le courant de la vie, couler avec lui plutôt que contre lui.
Cela n’est pas synonyme de fatalisme ou de renonciation. Il est au contraire souhaitable de faire de notre mieux pour créer le contexte le plus favorable possible à la réalisation de nos espérances mais, une fois ce contexte mis en place, lâcher le contrôle et accepter que ce qui survient par la suite est ce qui devait survenir. Cet état d’accueil à ce qui survient, permet de discerner ce qu’il y a de beau en chaque chose, en chaque évènement. En revanche, celui qui résiste à ce qui survient risque de ne pas avoir l’ouverture pour y découvrir le cadeau qui s’y cache.
L’acceptation totale de « ce qui est » n’est possible qu’en vivant le moment présent. Celui qui est tourné vers le passé ne pourra accepter l’impermanence des choses, le fait que la vie est en constant changement, et il voudra s’accrocher en vain à un état de chose qui n’existe déjà plus. Et s’il est tourné vers le futur, il ne pourra s’empêcher de faire des projections, d’avoir des attentes, qui seront invariablement déçues. Dans les deux cas, il ne pourra vivre pleinement l’instant présent et en voir les fruits.
Cette acceptation passe par la compréhension que la vie n’offre aucune garantie, aucune certitude, et que c’est aussi là que réside sa beauté. En se délivrant de son attachement au « connu », l’homme se libère de ses peurs. L’acceptation est finalement un acte de confiance et d’amour en la vie, permettant que le moteur de nos actions ne soit plus la peur mais bien l’amour.
Une fois que l’homme aura pu résoudre ses contradictions internes et se libérer de son ego, l’amour et la compassion écloront naturellement en lui.
Consultez également :
Introduction au tantra
Dans ma pratique de thérapeute à Bruxelles (Ixelles), j’emploie divers outils issus du tantra, il me semblait souhaitable de donner quelques explications sur ce que recouvre cette réalité méconnue ou mal connue.
Même s’il est loin d’épuiser le sujet, ce texte brosse un aperçu des multiples aspects du tantra. Il vous apportera également un éclairage sur certains des principes qui sous-tendent ma pratique.
Le tantra des origines à aujourd’hui
Le tantra, ou tantrisme, est né il y a environ 3.000 ans dans la vallée de l’Indus. C’est une voie de réalisation de soi, un chemin de conscience et d’évolution relativement cousin du bouddhisme, si ce n’est qu’il n’est pas constitué en une institution hiérarchique et organisée.
Tel qu’il s’est pratiqué et est encore pratiqué en Inde, le tantra est très éloigné de notre réalité occidentale et de notre sensibilité et n’est pas réellement transposable en tant que tel. En revanche, il existe un courant né dans les années 60 et 70, appelé néo tantra, qui a adapté et actualisé la vision tantrique de façon à ce qu’elle puisse être appréhendée par un occidental d’aujourd’hui.
Le néo tantra a pour but d’être applicable dans la vie quotidienne et moderne, au coeur d’une ville comme Bruxelles. Il considère que si une voie nécessite de se retirer hors du monde (ermitage, monastère…), il ne s’agit que d’une abstraction intellectuelle sans valeur, incapable de se frotter au réel.
Connexion à l’univers
Selon le tantra, tout est sacré, rien n’est profane. Il n’y a aucune dualité, de bon ou de mauvais. Le divin – ou les énergies de l’univers, peu importe comment on le nomme – est présent dans ce monde en toutes choses et, surtout, en nous-mêmes.
Le but ultime du tantra est de prendre conscience de cette non-dualité, de sentir que nous ne faisons qu’un avec l’univers tout entier, qu’il n’y a plus de barrière entre nous et l’existence, et que nous sommes connectés avec toutes choses et tous êtres. Etre en harmonie avec soi équivaut alors à être en harmonie avec l’univers entier.
Dès lors que tout est relié, il faut préalablement arriver à l’unité en nous-mêmes pour parvenir à ressentir cette « unité cosmique ».
Dissolution de l’ego
Alors que quasiment toutes les religions et courants philosophiques reprennent l’idée platonicienne de la dualité corps-âme et du corps vu comme « tombeau de l’âme », le tantra a cette spécificité unique de considérer le corps comme un temple, comme étant intrinsèquement spirituel.
Cependant, le corps étant le plus souvent le réservoir de l’inconscient et du refoulé, il faut préalablement le réhabiliter, en dissolvant l’ego.
L’ego est l’ensemble des constructions mentales et des crispations émotionnelles refoulées qui ont façonné notre personnalité au gré de l’accumulation de nos expériences, de notre éducation, et qui constitue notre « masque social ».
Une façon de ne plus s’identifier à son ego est de prendre conscience de la distinction entre ce « masque social » et notre réelle identité intérieure.
Dissoudre l’ego ne signifie pas le combattre et l’éradiquer mais le ramener à sa juste proportion, en unifiant toutes nos contradictions, à savoir nos pensées (mental), nos émotions/sentiments (coeur), nos sensations et nos instincts (sexe).
Il s’agit de relier toutes nos énergies, de recréer un véritable axe sexe-coeur-esprit. En tantra, cet axe est celui formé par les sept chakras principaux. Il s’agit de points de jonction de canaux d’énergie qui doivent être correctement activés afin de permettre à nos énergies de circuler librement. C’est la liaison, l’alignement de toutes ces énergies – en apparence souvent contradictoires – qui apporte l’unité et l’état de paix.
La voie du milieu
Nos énergies peuvent circuler librement à condition qu’aucune d’elles ne soit niée, refoulée ou considérée comme négative ou inférieure. A cet égard, le tantra englobe toute la vie et inclut toutes ses contradictions : rien n’est condamnable, tout est bon, tout est sacré. L’inférieur n’est pas moins valable que le supérieur, il est la fondation sans laquelle le supérieur ne pourrait exister. Ainsi, c’est l’obscurité qui donne son sens à la lumière et lui permet d’exister, et réciproquement. Ils sont les deux faces d’une même pièce.
Dans le tantra, il n’y a rien à ajouter ou à retrancher : tout l’art est dans la recherche du juste milieu. En se tenant – en conscience – exactement au milieu, nous englobons les deux extrêmes et le milieu, de façon à les transcender et à se situer au-delà des trois. A ce stade de non-dualité, tous les opposés deviennent complémentaires et les conflits se dissolvent dans l’unité.
Vivre l’instant présent
La reconnaissance de nos énergies vitales passe par l’écoute de notre corps et la conscience de ce qui s’y déroule. Or, dans notre société, le mental a largement pris le pas sur les autres pôles (émotions, sentiments, instincts…), dont nous sommes nettement moins à l’écoute.
Notre mental est constamment occupé à ressasser le passé ou à se projeter dans le futur, plutôt que de vivre le présent.
Or, la connaissance et la compréhension ne sont possibles qu’en étant totalement présent, en vivant pleinement l’instant, l’expérience. Il n’y a de véritable intelligence, il ne peut y avoir pleine compréhension qu’à partir du moment où il y a une parfaite harmonie entre les niveaux intellectuels et émotionnels.
Le tantra, qui est tout sauf cérébral, propose dès lors de nombreux exercices visant à stopper le fonctionnement ininterrompu de notre mental, vu comme un outil dont nous avons perdu le contrôle et qui tourne à vide.
Si le savoir a une utilité technique indéniable, son accumulation a pour conséquence de grossir l’ego et de nous empêcher de comprendre les expériences, car nous ne les voyons qu’à travers l’écran de notre ego, le filtre de nos souvenirs passés. Afin d’arriver à la connaissance, à la conscience, il est souhaitable d’aborder toute chose avec un esprit neuf, frais et innocent. Il est dès lors important de se libérer du passé d’instant en instant, de mourir à chaque expérience.
Bref, de vivre dans l’instant présent et d’aborder toute chose avec une totale fraicheur.
La vie n’est pas un problème à élucider, à aborder intellectuellement, mais un mystère à ressentir intuitivement, à vivre et à célébrer. Plutôt que la compréhension intellectuelle, faussée par l’ego, le tantra insiste donc sur l’expérience individuelle et le ressenti.
La connaissance de soi
Le seul chemin pour dissoudre l’ego est la connaissance, la conscience de soi. C’est en soi-même que se trouvent les réponses, non en faisant appel à « l’extérieur » par le biais d’un dieu, d’un gourou, d’un système politique ou autres. En cela, le tantra est une voie d’une grande liberté, puisqu’il ne décrète pas ce qui est bien ou mal, ne s’occupe pas de morale, d’éthique ou de religion.
Il appartient dès lors à chacun de découvrir en lui la vérité et d’agir en conformité avec elle, de façon à mener une vie vraie et de se réaliser de la manière la plus complète et la plus authentique possible.
Cela est subtil car la vérité de chacun est souvent comprise à travers le filtre de son ego, ce qui peut l’entraîner dans de fausses directions. Plutôt que de vérité relative et individuelle, il faudrait parler d’une vérité universelle, même si pour y parvenir chacun empruntera le chemin qui sonnera avec le plus de justesse pour lui. Une fois que l’on a trouvé cette vérité sacrée, on ne peut que vivre en conformité avec elle, c’est-à-dire en Amour avec l’univers et avec la vie.
L’art de la présence à soi
Le chemin de la connaissance de soi vient en se laissant traverser par les émotions et les sensations : s’autoriser à les vivre pleinement, puis s’observer soi-même avec le recul de l’observateur pour l’objet de son observation.
C’est de cette expérience que naît la conscience de ce qui nous traverse (émotions, sentiments, pensées, pulsions…) et de qui nous sommes.
La méditation peut être un outil précieux afin d’être en lien plus direct avec son corps et plus à l’écoute de ses émotions, de son intuitivité, de sa « petite voix intérieure ».
Cela nécessite d’apprendre à faire toutes choses en conscience, à ne plus rien faire machinalement et à être totalement présent à ce que l’on fait, même durant les petites activités du quotidien comme manger, marcher. Les seuls vrais rituels dans le néo tantra consistent à honorer, à célébrer, à sacraliser la vie dans chacun de ses moments, même les plus anodins, de façon à leur donner beauté et intensité, à ne pas faire les choses mécaniquement.
Dès qu’une personne se connaît et agit en conscience, ses actes sonneront juste par rapport à elle-même et à l’univers.
Ainsi, plus une personne sera bien dans sa relation à elle-même, plus ses relations aux autres seront riches et épanouissantes.
Sexualité sacrée
Le bouddhisme invite à se détacher du désir, dès lors que la dépendance qu’il engendre serait la cause de nos souffrances. Bouddha prône également une certaine méfiance à l’égard du corps, puisque c’est du corps que sont issus la plupart de nos désirs (sexe, gourmandise, possession…).
A l’inverse, le tantra considère que le corps est spirituel et qu’il en va de même de l’énergie la plus vitale qui circule en nous, l’énergie sexuelle. La sexualité n’est donc pas le pôle opposé de la spiritualité mais est sacrée en elle-même, puisque faisant partie de nous.
Si le bouddhisme est plutôt une voie de renoncement, le tantrisme, lui, ne rejette pas le monde mais l’accepte pleinement et le divinise, tout en invitant l’homme à s’y « réaliser ».
Le tantra invite en effet à se frotter à ses désirs pour mieux les apprivoiser. Selon lui, c’est cette expérimentation – en conscience et le cas échéant sous la supervision d’une personne plus avancée – qui amène à la connaissance de soi et à celle des limites du plaisir.
C’est en prenant conscience des mécanismes du désir qu’il est possible de s’affranchir de sa servitude. Il ne s’agit pas d’un contrôle ou d’une maitrise du désir mais, au contraire, d’accepter de se laisser traverser par lui, d’oser se laisser toucher par les émotions qu’il génère, et d’observer ce qui se passe en soi.
Appliqué aux relations sexuelles, le tantra privilégie la qualité de la connexion entre partenaires, que chacun reconnaisse en l’autre ce qu’il a de plus beau, de divin, afin de transcender l’acte purement charnel pour en faire une expérience spirituelle.
Cette spécificité a souvent desservi le tantra, réduit à sa dimension sexuelle. Cela n’est pourtant qu’un tout petit aspect du tantra qui est avant tout une voie spirituelle de réalisation de soi, touchant tous les aspects de la vie.
La voie de l’acceptation
L’homme fait partie intégrante du monde. Il n’est donc besoin d’aucune lutte entre lui et la réalité, puisqu’il en fait partie. S’accepter soi-même est la seule façon de ne créer aucune distance entre soi et le réel. L’acceptation de soi passe aussi par l’acceptation de ses émotions et de ses désirs. Au lieu de lutter contre ses énergies, il faut y pénétrer en pleine conscience, les vivre et les transcender (à ne pas confondre avec les refouler), ce qui permet de s’en libérer.
Être dans la non-acceptation de ce qui est inéluctable ne peut qu’être source de souffrances inutiles. La paix intérieure ne peut être atteinte qu’avec l’apprentissage du lâcher-prise, l’acceptation des choses de la vie sur lesquelles nous n’avons de toute façon pas de prise. Etre fluide, s’inclure dans le courant de la vie, couler avec lui plutôt que contre lui.
Cela n’est pas synonyme de fatalisme ou de renonciation. Il est au contraire souhaitable de faire de notre mieux pour créer le contexte le plus favorable possible à la réalisation de nos espérances mais, une fois ce contexte mis en place, lâcher le contrôle et accepter que ce qui survient par la suite est ce qui devait survenir. Cet état d’accueil à ce qui survient, permet de discerner ce qu’il y a de beau en chaque chose, en chaque évènement. En revanche, celui qui résiste à ce qui survient risque de ne pas avoir l’ouverture pour y découvrir le cadeau qui s’y cache.
L’acceptation totale de « ce qui est » n’est possible qu’en vivant le moment présent. Celui qui est tourné vers le passé ne pourra accepter l’impermanence des choses, le fait que la vie est en constant changement, et il voudra s’accrocher en vain à un état de chose qui n’existe déjà plus. Et s’il est tourné vers le futur, il ne pourra s’empêcher de faire des projections, d’avoir des attentes, qui seront invariablement déçues. Dans les deux cas, il ne pourra vivre pleinement l’instant présent et en voir les fruits.
Cette acceptation passe par la compréhension que la vie n’offre aucune garantie, aucune certitude, et que c’est aussi là que réside sa beauté. En se délivrant de son attachement au « connu », l’homme se libère de ses peurs. L’acceptation est finalement un acte de confiance et d’amour en la vie, permettant que le moteur de nos actions ne soit plus la peur mais bien l’amour.
Une fois que l’homme aura pu résoudre ses contradictions internes et se libérer de son ego, l’amour et la compassion écloront naturellement en lui.
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